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Blog à part : le blog du Scott
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22 juin 2007

Tempus fugit

Pour certains, la fin de l’enfance se situe au passage d’un âge a à un âge a+1. Pour d’autres, il s’agit de la première fois que l’on effectue une action particulière comme l’obtention d’un boulot, l’acquisition d’une relative autonomie financière ou la survie à un rite initiatique consistant à éventer à main nues un animal d’une tonne et demie hérissé de griffes et de crocs.

Pour moi, la fin de l’enfance s’opère dès que l’on a des soucis et qu’on est seul à devoir y faire face. J’enfonce une porte ouverte d’une certaine manière en rapprochant vie d’adulte et perte d’insouciance, mais c’est selon moi l’élément déterminant qui peut distinguer un vieil ado d’un adulte véritable. Evidemment, on pourrait m’opposer le cas d’un type de quarante ans en pleine forme, heureux en couple, entouré d’amis chers et ayant gagné au loto assez d’argent pour ne plus avoir à se soucier de quoi que ce soit. Celui-ci est manifestement adulte mais de toute évidence insouciant. Préférant négliger ce cas dont l’occurrence est infinitésimale et vous mettant en garde car je suis sûr de lui trouver malgré tout un souci auquel il doit faire face seul (comme par exemple … ou encore … vous voyez, ça en fait déjà deux !), je persiste et signe : ce qui distingue l’adulte de l’enfant est la perte d’insouciance (et dans certaines parties du monde, le collier de crocs et de griffes d’animal d’une tonne et demie).

Vous vous rappelez sans doute tous et toutes de vos parents vous glissant innocemment que vous viviez les meilleures années de votre vie un dimanche soir quand vous aviez le cafard parce qu’il fallait aller à l’école le lendemain (et qu’il y avait EMT), de votre papa bienveillant vous réconfortant après une déception amoureuse avec une bouteille de vin dégustée à deux « entre hommes » pour une conversation au cours de laquelle il vous avouait que vos soucis n’en étaient pas vraiment et qu’un jour vous comprendrez … Et puis arrive ce jour où vous comprenez effectivement. Ce jour où l’on dispose enfin de tous les éléments pour profiter pleinement des plus belles années de votre vie en pleine connaissance … à ceci près que le fait de comprendre que ces années sont les plus belles de votre vie implique inévitablement que ces dernières soient échues. La vie est ainsi faite : on ne possède les clés que quand on n’en a plus vraiment besoin.

La perte d’insouciance est de cet ordre. Enfant ou adolescent, on a un recul assez insignifiant et le moindre petit pépin dont chacun aujourd’hui ferait volontiers son quotidien prend l’apparence d’une montagne infranchissable (ou d’un animal d’une tonne et demie hérissé de griffes et de crocs alors qu’on a pas les ongles assez longs pour l’éventrer). On est intimement persuadé que nos problèmes sont tout aussi importants que ceux de notre papa ou de notre maman et que ces deux grands benêts ont oublié qu’ils étaient un jour enfants et ils ne « comprennent pas » le drame que vous vivez. On ne profite réellement de l’insouciance qu’en souvenir. Lorsque l’on est insouciant, on ne s’en rend pas compte et on s’aperçoit qu’on l’était une fois que tout est fini.

Aujourd’hui, alors que je fais face à des dilemmes qu’en dépit d’une imagination assez débordante je n’aurais imaginé faire vivre à un personnage fictif de mes rêves éveillés, je repense avec nostalgie à ces moments bénis où mes problèmes se résolvaient d’eux même et je revois attendris les efforts de mes parents pour m’en faire prendre conscience. Je me vois aussi un jour projeter sur mon fiston ma frustration de n’avoir pas compris plus tôt, employant tous les mots qu’il est permis d’employer pour tenter de lui faire prendre conscience de ce dont il ne pourra pas prendre conscience, comme mes aînés avant moi et comme il le fera quelques années plus tard pour ses propres enfants. Peut-être le ferai-je davantage pour moi, pour avoir la fierté de damer le pion à cette vie si bien faite quand il s’agit d’être tragique, pour me dire qu’après m’avoir fait comprendre la chance que j’avais une fois celle-ci partie j’avais quand même eu le dernier mot en protégeant ma descendance de son sadisme. Et peut-être leur expliquerai-je aussi que le bonheur est ainsi fait, qu’on ne le remarque que quand on le perd, un peu comme l’oxygène qu’on respire sans s’en rendre compte et dont on comprend l’importance seulement si on suffoque. Qu’il est important de bien regarder autour de soi même dans les moments les plus anodins. Peut-être qu’en ce moment précis on est heureux … et on ne le remarque même pas.

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